Respirer profondément est la composante fondamentale de toute forme de traitement.
La respiration holotropique est une technique d’investigation de la vie psychique basée sur une relaxation profonde, des méthodes de respiration régulée et une musique évocatrice et réconfortante. Elle a été créée par Stanislav Grof, psychiatre et psychothérapeute américain de descendance tchèque et également précurseur de la psychologie transpersonnelle. Ce concept est utilisé depuis des milliers d’années dans les pratiques chamaniques et les rites de passage des communautés traditionnelles, même s’il est encore relativement nouveau dans les traitements occidentaux. Le traitement holotropique se termine par un travail corporel au niveau de l’armure caractérielle (tensions et rigidités musculaires).
L’objectif principal de cette approche thérapeutique est d’éveiller l’esprit et de libérer l’énergie emprisonnée dans les symptômes émotionnels et physiques en un flux d’expériences vibrantes.
Le principe de la respiration holotropique et ses objectifs
La respiration holotropique permet à la personne d’accéder à une perspective unifiée de son existence dans les dimensions physique, psychologique, mentale et spirituelle. Elle est un mélange de traditions spirituelles parfois anciennes et des études les plus récentes sur les états modifiés de conscience.
Son principe de base est la prise de conscience de la capacité de guérison, de transformation et de développement d’états de conscience non conventionnels, dans lesquels la psyché peut s’engager spontanément dans une action thérapeutique. Il s’agit donc d’un voyage vers l’intérieur, au cœur du moi, où nous découvrons et approfondissons l’aspect le plus primitif de nous-mêmes. Cet état de conscience peu commun nous apprend que les symptômes ne peuvent être décrits de manière adéquate par la seule histoire post-natale du patient et permet de revisiter les expériences périnatales (liées à la naissance), biographiques et transpersonnelles (connexion avec le cosmos). Le nourrisson ne naît pas avec une « ardoise vierge », mais avec une mémoire pleine qui va s’éveiller dans cet état de conscience hors du commun que permet la respiration holotropique.
Cette approche psychothérapeutique très mobilisatrice pour le corps et l’esprit active ou réactive des traces mnésiques (souvenirs) sous forme de décharges émotionnelles et permet de renouer avec des représentations que l’inconscient du sujet a censurées, donnant accès à l’inconscient corporel, dépositaire d’un savoir caché de l’histoire ancienne. Le corps conserve des souvenirs et laisse des traces, il est le lieu de gravures anciennes. Il va, tel un rébus, exprimer le refoulement initial jusqu’alors inexprimable au cours d’une séance de respiration holotropique sous forme de postures, de bruits ou de symptômes, ouvrant la porte à des remarques significatives.
Comment pratiquer la respiration holotropique ?
Après chaque séance, les participants créent des tableaux ou des mandalas et se livrent à une verbalisation qui favorise l’élaboration et l’intégration de l’expérience unique. Cette verbalisation, qui permet une restructuration de la psyché et de la conscience, est une partie cruciale du processus qui donne à l’œuvre un sens, une cohérence et un ordre. Des réorganisations profondes se produisent, permettant au sujet de « venir à l’existence » et de se tourner vers le monde et vers lui-même.
Le traitement holotropique est un long voyage qui se déroule dans un espace ouvert ; c’est un parcours qui se situe à la limite du faisable et de l’impossible. Le thérapeute doit faire preuve de tact et de bienveillance face à cette expérience et à cette prise de conscience. Au cours de son voyage intérieur, la personne qui respire va franchir une barrière sensorielle. C’est la capacité du clinicien à être attentif à la dynamique des différentes situations qui favorise la remontée du refoulé à la surface.
Le sujet s’échappe de sa hantise dans un état de conscience modifié, et la régression expose le dos des cartes. Un épisode brut de l’événement revécu sans aucune émotion défensive est capturé. Ensuite, une partie du monde mental à laquelle le patient n’aurait pas pu accéder en étant éveillé émerge.
Le traitement holotropique place la personne dans sa globalité et fait place à sa créativité et à sa guérison. Les avancées théoriques et cliniques réalisées par GROF sont significatives. Elles exigent un réexamen de plusieurs concepts psychologiques et scientifiques clés.
Extrait d’une session… et observations
C’est ainsi qu’au début de l’automne 1980, non loin de San Francisco, on m’a découvert en train de dormir sur un matelas, respirant rapidement au rythme d’une musique évocatrice, parfois dure, syncopée et volcanique.
Nous étions un groupe assez important dans ce groupe. Une matrice était formée par les respirations d’une quarantaine de personnes, d’où naissait une unité énergétique. Je ne pouvais pas m’empêcher de m’abandonner. Je ne pouvais pas m’empêcher d’être captivé par les rythmes.
Ils ont commencé à monter comme la lave qui monte d’un volcan en éruption, se transformant bientôt en puissants détonateurs de nos corps envahis par ces accents explosifs. Je ne savais plus où j’en étais. Mon propre corps était transformé en musique de danse. Les frontières éliminées, j’ai perdu la trace de qui j’étais. Les battements de mon cœur étaient perturbés par les coups frénétiques des percussions à l’intérieur de moi. Je n’étais rien de plus qu’une pulsation qui n’était pas liée au temps. Je ressentais l’harmonie du geste quand il vient de l’intérieur, le plaisir du mouvement, la révélation de ma chorégraphie intérieure dans le feu de mon corps.
Je me sentais soudain comme si je devais danser pour une divinité du soleil. Vestale, j’étais engagée et consacrée à une puissance supérieure dans une autre dimension du temps. Mon corps découvrait des positions assez étonnantes, il donnait la prosternation avec une souplesse féline sans limite.
J’ai soudain entendu un cri venant du plus profond de mon être : « Qui suis-je ? Je n’ai pas eu de réponse. J’avais perdu mon identité et n’avais plus d’ego. Mon identité a également disparu en même temps que mon corps. Je faisais partie de l’univers et lui appartenais. Je n’étais plus un corps physique ou un esprit distinct. J’avais disparu dans l’univers.
Combien de temps a duré l’événement ?
Qui se soucie de savoir si je le savais, même à ce moment-là ? Je me suis brièvement retrouvé assis sur le lotus quand une musique indienne m’a ramené à la réalité. Cette pensée m’a fait sourire car je trouvais difficile de maintenir cette position dans mon humeur énergique.
J’étais préoccupée et accablée après cette séance, presque en larmes. Ces quelques heures « extatiques » m’avaient rendu mon physique. Cependant, je n’en étais qu’aux prolégomènes. J’avais un tout nouveau terme que je portais. Quelque chose avait fait un léger mouvement qui avait déclenché des modifications importantes. J’étais comme un nuage sur lequel la foudre finira par tomber sans que je comprenne quand ni comment. J’avais laissé l’énergie m’envahir et m’inspirer.
J’avais lâché prise sans faire d’effort pour comprendre.
Lorsque le moment est venu pour le groupe de partager oralement, mon partenaire a dit que ma danse lui avait rappelé les anciennes danses indiennes. J’ai été surprise et alarmée. Malgré le fait que je ne connaissais rien d’eux, un souvenir de mes ancêtres avait émergé.
J’aspirais à ce moment spécial depuis une semaine. Je devais maintenant l’intégrer dans ma vie quotidienne.
Et c’est l’un des principaux domaines de l’étude holotropique qui me fascine.
Je rencontrerai d’autres étapes au fil de mes expériences, notamment des phases prénatales, biographiques et psychodynamiques qui trouvent leur origine dans les recoins les plus sombres de mon esprit.
Je vais être confronté à un déluge de données mystérieuses. Par la suite, Grof me disait souvent : « Martine, fais confiance au processus de guérison intérieure. »
Il existe plusieurs « voyages » qui amènent les gens par des canaux extrasensoriels à de nouvelles connaissances qui brouillent la distinction entre le parapsychologique et le psychologique. Ils affirment de manière invraisemblable que chacun d’entre nous possède des connaissances liées à l’univers. Nos croyances sur la nature de la réalité et le lien entre la conscience et la matière sont ainsi remises en question.
L’approche thérapeutique se distingue des tendances psychologiques d’aujourd’hui
La perspective holistique de Grof transcende les limites de l’académisme et, comme Freud, il s’expose comme un rebelle de son espèce, dépassant la vision mécanique de la réalité.
Le travail holotropique, tant par son mécanisme que par l’observation des changements systématiques vécus chez les participants, permet d’éliminer les divergences les plus criantes entre les écoles face à la jungle concurrentielle des systèmes de psychothérapie.
Cette nouvelle stratégie est sans doute déstabilisante et difficile
Elle crée un pont entre le biographique et le transpersonnel, l’inconscient individuel et collectif, et la zone transbiographique de la psyché humaine. Au-delà du monde sensoriel et du tissu de l’espace-temps, il existe une étendue infinie de conscience.
J’ai changé de vitesse et traversé le miroir grâce à mon travail avec Grof. Pour permettre à une parole d’émerger des profondeurs du temps, j’ai dû mettre de côté toute notion thérapeutique. J’ai pu effectuer des cures d’une nouvelle manière et les patients ont également pu ressentir la réapparition d’une très ancienne partie refoulée d’eux-mêmes en permettant à cette voix intérieure de se manifester.
Il est évident que ma propre croissance m’a poussé à établir un nouveau cadre thérapeutique capable de gérer différemment les peurs les plus archaïques et les processus biologiques de base de mes patients.
Il convient de mentionner que l’un des principaux catalyseurs du changement chez ses patients est l’ouverture d’esprit du thérapeute.
Mes patients ont suivi méticuleusement ma « révolution personnelle ». Ensemble, nous avons évolué.
Des expériences communes se sont produites
Par exemple, Maria m’a parlé d’un rêve qu’elle avait fait impliquant un cocon et un papillon le 10 novembre. Elle m’a donné un tableau qu’elle avait fait réaliser en mon absence pour représenter la vision de son rêve ce même jour. Je l’ai sentie me saisir. Je venais de rentrer d’un voyage de deux semaines aux États-Unis avec Stanislav Grof.
J’ai eu l’inspiration de dessiner un papillon le 8 novembre lors d’une session intitulée « Chamanisme et animaux de pouvoir ». Je portais cet emblème sur moi depuis plusieurs jours. Le sentiment d’être enfermée dans un cocon pendant une séance holotropique a rendu urgent l’envol du papillon. Ainsi, une métaphore colorée de ma vie en cours de transformation a émergé de mes mains en quelques minutes.
Maria a répondu en montrant son tableau : « Tu sais, quand tu pars, je suis avec toi !
Au-delà des océans qui nous séparent physiquement, cette jeune femme sans mère était capable de communiquer avec moi par le biais de ses peintures et de ses aspirations.
Il lui a fallu plusieurs séances holotropiques pour découvrir son propre souffle. Elle a commencé à peindre des dessins d’une puissance étonnante alors qu’elle n’avait jamais pu saisir un pinceau.
Maria, qui n’avait jamais été capable de communiquer verbalement, a rencontré son totem par le biais d’une interaction corps à corps surprenante, agressive et primitive avec les couleurs et les formes.
Enfin, elle avait quelque chose qui lui appartenait et qui constituait le fondement de son sentiment d’identité.